Fascinée par le secret, la Renaissance est aussi l’âge d’or de discours qui seront très progressivement exclus du champ des sciences légitimes. Phénomène culturel majeur, ces savoirs « occultes » le sont avant tout par leur hermétisme revendiqué et par leur pratique parfois clandestine, du moins hautement polémique, puisque de nombreuses réserves épistémologiques, religieuses ou sociales existaient déjà à leur égard. Sans parler de la vogue de la cabale ou de l’alchimie, de grands humanistes ont été des astrologues convaincus, des magiciens inspirés, voire des « démonologues » acharnés (le savoir démonologique ayant ceci de spécial qu’il est combattu par ceux qui l’élaborent). D’autres ont été des expérimentateurs dubitatifs, des moqueurs ou des satiristes, des sceptiques. Les plus nombreux oscillaient entre l’intérêt et le dédain, certains même entre l’enthousiasme et la désillusion. Le lien entre ces savoirs plus ou moins associés par la réception du Corpus hermeticum, mais souvent concurrents et parfois antagonistes, est lui-même complexe. Si la question fascine depuis longtemps les historiens des idées et des sciences, elle est incontournable pour des littéraires : que signifie la mise en scène des sorcières dans Macbeth, lorsqu’on confronte le texte de Shakespeare à ses sources ? Qui pouvaient bien être les modèles du Faust de Marlowe ou de Cyprien, le magicien prodigieux de Calderón, sachant qu’il y a sous le mythe une réalité contemporaine (fantasmée) ? Que dit la mise en scène d’apparitions chez Cervantès et chez Rosset, à la même époque, de leur positionnement idéologique respectif ? Nous fréquenterons des esprits puissants mais versatiles ou labyrinthiques, comme ceux de Gianfrancesco Pico, d’Henri-Corneille Agrippa, de Paracelse, de Cardan ou de Giordano Bruno ; des chefs-d’œuvre de subtilité, comme le Comte de Gabalis de Montfaucon de Villars ; des genres mineurs, tel celui des pronostications astrologiques ; des formats variés allant du traité au « canard ». Le versant social de ces pratiques ne sera pas oublié : nous pénétrerons dans le cabinet d’un astrologue établissant un horoscope ou dans les archives d’un procès en sorcellerie. Nous évoquerons de nombreuses « affaires » ayant jalonné l’histoire culturelle de l’époque : l’affaire de Zugarramurdi en Espagne ; l’affaire Gaufridy en France ; l’affaire des Rose-croix en Allemagne, par exemple.
UE 66 Littérature et histoire culturelle
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